Joanna : “Beaucoup de sujets de société me révoltent.”
Chanteuse, compositrice et réalisatrice de ses clips, Joanna vient de sortir son premier EP intitulé Vénus. De la pop urbaine actuelle, avec des morceaux aux inspirations diverses et aux atmosphères sensuelles ou hypnotisantes. Elle nous en dit plus dans cet entretien.
Comment en es-tu arrivée à faire de la musique ?
J’ai appris le solfège et le piano car, depuis que je suis petite, j’ai toujours voulu chanter, écrire mes chansons et composer. Mais je doutais de la faisabilité d’un tel projet. Je me mettais un peu dans des cases… J’ai suivi des études d’histoire de l’art et de cinéma. Même si c’était vraiment cool, je n’arrivais pas à me projeter professionnellement. J’ai donc décidé de me lancer au niveau musical, même si c’est un peu casse-gueule. En fait, j’avais besoin de me prouver quelque chose à moi-même.
Tu as ensuite fait la connaissance du groupe Columbine. Comment cette rencontre t’a-t-elle aidée à te lancer ?
On s’est rencontrés à Rennes. J’avais un pote, avec qui je faisais déjà de la musique, qui les connaissait un peu. Du coup, je les croisais souvent. De voir comment ils taffaient m’a donné la dalle. J’ai commencé avec un vieux micro sur Audacity. J’ai commencé à faire mes maquettes et j’ai pu faire un peu de voix sur leur deuxième album, sur le morceau Fireworks. Après, le producteur KSLV, qui a sorti son EP Affection, a absolument voulu qu’on fasse un morceau ensemble. Je suis allée en studio et on a tourné un clip Think About. Ca m’a donné envie de continuer.
Tes inspirations oscillent entre Mylène Farmer et Lana Del Rey. On cite également Yelle ou encore Björk. Bref, des artistes très différentes. Qu’est-ce que tu écoutais chez toi quand tu étais petite ?
Pas mal de trucs très pop : Lady Gaga, Katy Perry… Je regardais W9, les hits de l’année… Et j’ai découvert Soundcloud. J’ai alors commencé à écouter de la musique électronique. Puis, j’ai découvert le rap. J’écoutais un peu de tout, mais j’ai vraiment commencé par tout ce qui fonctionne à la radio. Je pense effectivement que c’est grâce à Lana Del Rey que je me suis mise à chanter. Elle est devenue un de mes idéaux féminins.
Tu as d’abord choisi de chanter en anglais, mais tu es vite revenue au français. Pourquoi ce choix ?
Beaucoup de sujets de société me révoltaient. Je pense notamment à l’homophobie. Mais quand tu commences à écrire en français, t’as l’impression d’être trop cucul, vulnérable. Et, au fur et à mesure, en parallèle d’avoir découvert le féminisme, je me suis dit que le contraste pouvait être intéressant entre ma voix douce ou les trucs planants et des sujets graves, des mots durs. Le projet Vénus est né comme ça.
Tu dévoiles aujourd’hui ce premier EP. Comment es-tu parvenue à la cohérence de l’ensemble ?
Je me suis pris la tête. Pendant un an, très concentrée, je n’ai fait que ça. J’y suis sincère, exprime mes angoisses mais j’ai fait attention à ce que les choses soient liées, que l’EP se tienne, qu’il y ait un vrai concept. Du coup, j’ai mis du temps à le ficeler.
Tes chansons traitent de sujets liés à la sexualité et au regard des hommes, véhiculant ainsi des messages engagés. Comment et pourquoi cherches-tu à redéfinir ta féminité : Mâle alpha, Vénus… ?
J’ai commencé à faire de la musique et à être entourée par beaucoup de mecs, genre “on te prend un peu sous notre aile”. T’es la petite meuf qui chante, quoi ! Et je me suis dit que ce n’était pas normal. J’ai commencé à me sentir vraiment femme à ce moment-là, car je n’avais pas capté avant qu’il y avait une différence. Je pensais juste que j’étais un peu timide, réservée ; je ne pensais pas trop avoir mon mot à dire. En fait, je me suis rendu compte que je me trompais. J’ai commencé à lire Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir et j’ai tout compris. Cela m’a inspirée.
Tu prends aussi en main la réalisation de tes clips. Séduction, Oasis, Vénus, Pétasse… Chacun d’entre eux dévoile un univers bien recherché, épuré, sensuel. Où vas-tu chercher tes inspirations ?
Ça vient un peu tout seul. Des fois, je fais des rêves bizarres. Je retiens une image, j’essaye de trouver des références pour en faire une sorte de scénario. Il y a toujours trop de détails, car je fais beaucoup fleurir de choses dans ma tête sans m’en rendre compte. J’ai toujours fait des allers-retours entre la réalité et ma tête. Je peux m’inspirer de mes proches, d’un vieux clip d’il y a dix ans ou d’un film. Tout m’inspire !
Comment s’est déroulée la réalisation du clip Pétasse (coréalisé par Léo Mondon et coproduit par Les Mauvaises Filles), dans lequel un viol est dépeint ?
Avec Léo, on s’est creusé la tête parce que le sujet est délicat. J’avais en tête un plan-séquence, même si c’est compliqué parce que c’est une seule prise et que cela risque de ne pas plaire. Du coup, on a adapté pour plus de fluidité, et on a entrecoupé le play-back pour apporter un peu de légèreté. Au départ, je ne devais pas être dans le clip. Mais c’était un peu dur à regarder.
Quelles sont les prochaines étapes de ta carrière ?
Quelques dates en mars, un concert en janvier avec Lous and The Yakuza, un autre avec Sally… Cet été, quelques festivals. Puis, je vais continuer à sortir des petits morceaux. Et je travaille actuellement sur le projet d’album. Ça va être trop bien…
Propos recueillis par Laura Gervois
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